La puissance intérieure
Type : Conte
Origine : Falleen
Thèmes : Humilité, Spiritualité, Supériorité du mental
[Lien vers un enregistrement vocal réalisé par Teffara.]
Un maître du combat à main nue enseignait son art dans une ville de province. Sa réputation était telle dans la région qu'il défiait toute concurrence : les pratiquants boudant tous les autres professeurs. Un jeune expert voulu en finir avec ce monopole, ce règne. L'expert se présenta à l'école, un vieillard lui ouvrit la porte. Sans hésiter le jeune Falleen annonça son intention. Le vieux Falleen, visiblement embarrassé, tenta de lui expliquer combien cette idée était suicidaire, étant donné la redoutable efficacité du maître. Pour impressionner ce vieux radoteur qui semblait douter de sa force, l'expert s'empara d'une planche et, d'un coup de genou, il la cassa en deux. Le vieillard demeura imperturbable. Le visiteur insista à nouveau pour combattre avec le maître, menaçant de tout casser. Le vieux bonhomme le pria alors d'attendre et il disparut.
Quand il revint peu après, il tenait à la main un énorme morceau de bambou. Il le tendit au jeune en lui disant : "- Le maître a l'habitude de casser avec un coup de poing des bambous de cette taille? Je ne peux prendre au sérieux votre requête si vous n'êtes pas capable d'en faire autant." S'efforçant de faire subir au bambou le même sort que la planche, le jeune présomptueux dut finalement renoncer, épuisé, les membres endoloris. Il déclara qu'aucun Falleen ne pouvait casser ce bambou à main nue. Le vieillard répliqua que le maître, lui , pouvait. Il conseilla au visiteur d'abandonner son projet tant qu'il ne serait pas capable d'en faire autant. Excédé, l'expert jura de revenir et de réussir l'épreuve.
Deux années passèrent pendant lesquelles il s'entraîna intensivement à la casse. Chaque jour il se musclait et durcissait son corps. Ses efforts portèrent leurs fruits car il se présenta à nouveau à la porte de l'école, sûr de lui. Le même petit vieux le reçut. Exigeant qu'on lui apporte l'un des fameux bambous pour le test, le visiteur ne tarda pas à le caler entre deux énormes pierres. Il se concentra quelques secondes, leva la main puis il cassa le bambou en poussant un cri terrible. Un sourire de satisfaction aux lèvres, il se retourna vers le frêle vieillard. Celui-ci fit un peu la moue et déclara : " Décidément, je suis impardonnable, je crois que j'ai oublié de préciser un détail ! Le maître casse le bambou … sans le toucher." Le jeune Falleen, hors de lui, répliqua qu'il ne croyait pas aux exploits de ce maître dont il n'avait même pas pu vérifier la simple existence. Saisissant alors un solide bambou, le vieux Falleen le suspendit à une ficelle qu'il accrocha au plafond. Après avoir respiré profondément, sans quitter des yeux le bambou, il poussa alors un cri terrifiant qui venait du plus profond de son être, et sa main, telle une arme, fendit l'air pour s'arrêter à 5 centimètres du bambou … qui éclata. Subjugué par le choc qu'il venait de recevoir, l'expert resta plusieurs minutes sans pouvoir dire un seul mot, pétrifié. Finalement, il demanda humblement pardon au vieux maître pour son odieux comportement et le pria de l'accepter comme élève.
Les remords de Don Tai
Type : Conte
Origine : Récit de vie
Thèmes : Altruisme, noblesse
[Lien vers un enregistrement vocal réalisé par Teffara.]
À la fin d’une bataille provoquée par des divergences entre deux seigneurs, Don Tai se trouve face à un guerrier particulier : très jeune, noble au port altier, il porte, outre ses armes, une flûte dont il sait admirablement bien jouer. Avant d'aller au combat, il a composé quelques vers pour dire adieu à la vie et les porte sur lui.
Don Tai provoque cet adversaire en combat singulier. Le jeune Falleen relève le défi. Les deux protagonistes se jettent l'un sur l'autre. Rapidement, le jeune ne fait pas le poids face à un adversaire mieux entraîné. Le vieux guerrier prend le dessus, immobilise son adversaire et sort son poignard pour l'égorger. Il lui soulève le casque et se sent envahi d'une émotion étrange face à cet adolescent.
Don Tai éprouve de la sympathie pour ce jeune homme qui lui rappelle son propre fils et hésite à l'achever mais comment faire autrement? C'est la guerre. Les dents serrées, fermant les yeux, il tranche la tête de l'adolescent.
Après le combat, Don Tai fait envoyer aux parents les restes de leur fils, sa flûte et le poème trouvé sur son cadavre.
Don Tai est très triste d'avoir ôté la vie du jeune guerrier. Un cruel remords l'étreint. Sans cesse il revoit son visage. Il croit voir ses mains pleines de sang. Alors il fait le vœu de ne jamais plus tuer. De ne plus porter les armes. «Un homme n'est pas noble parce qu'il fait souffrir les créatures vivantes. Seul est noble qui les prend en pitié».
La pêcheuse de perles
Type : Légende
Origine : Falleen
Thèmes : Courage, loyauté, persévérance
[Lien vers un enregistrement vocal réalisé par Teffara.]
En des temps très reculés, un grand seigneur, désirant faire cadeau de trois magnifiques bijoux à un autre seigneur fait venir son émissaire. Pendant le voyage, l'un de ces bijoux – le plus beau – est volé par une créature de l'Océan. Désespéré, l'émissaire arrive à la cour du seigneur et explique le vol dont il a été victime. Impatient de récupérer le bijou à n'importe quel prix, il dépêche un vassal en qui il a parfaitement confiance, Tremri Grum.
En arrivant sur la côte proche du lieu du larcin, Tremri réfléchit longtemps à la meilleure façon de récupérer le bijou. Il s'enquiert sur les coutumes de la créature marine auprès d'un pêcheur. Ce qu'il apprend n'est guère de nature à le rassurer mais son inquiétude est quelque peu dissipée lorsqu'il entre en relation avec une jeune et belle plongeuse pêcheuse de perles. Il l'invite à vivre avec lui et, un an plus tard, elle donne naissance à un garçon. La plongeuse prie alors le vassal de faire de leur fils son unique héritier. Tremri, peu désireux de revenir auprès de son seigneur sans le bijou, accepte sa demande à condition qu'elle reprenne le bijou au voleur. C'est une condition épouvantable mais la plongeuse accepte et retourne à son dur labeur.
Elle plonge, plonge encore, de plus en plus profond. Mais ses efforts demeurent vains. Un jour, au plus profond de l'océan, elle aperçoit le palais de la créature. L'entrée en est gardée par des monstres dont elle n'a jamais vu d'équivalent auparavant. Maîtrisant sa peur, elle s'approche avec précaution et découvre que tous les habitants sont endormis. Nageant aussi vite que possible, elle arrive jusqu'au trône. Elle y voit le magnifique joyau resplendissant à la lumière glauque qui pénètre au fond de la mer. Sans hésiter, elle s'en empare et retourne vers la porte gardée. Elle commence sa longue ascension en direction de son embarcation qui l'attend à la surface.
Malheureusement elle n'est pas assez rapide. La créature se réveille soudain, constate la disparition du joyau et se lance immédiatement à sa poursuite. Elle est un bien meilleure nageuse que la Falleen et elle sait qu'elle va la rattraper avant qu'elle n'atteigne l'abri de son bateau. Alors qu'elle va la rejoindre, elle se rappelle subitement que les légendes racontent que la créature ne supporte absolument pas le sang des êtres falleen. N'ayant pas d'autre choix, elle sort son couteau de l'étui pendu à sa ceinture et s'ouvre la poitrine d'un seul coup. Elle glisse le précieux bijou dans la plaie pendant que la mer se teinte de son sang. Lorsqu'elle regarde derrière elle, elle voit le regard courroucé de la créature avant de disparaître dans un nuage rouge. Saignant abondamment et épuisée, elle atteint enfin la surface de l'eau où elle est hissée dans le bateau par les rameurs. Elle a tout juste le temps d'indiquer l'endroit où elle a caché le bijou avant de mourir.
Le vassal a tenu parole. Il retourne chez lui accompagné par son fils pour remettre le bijou à son seigneur. Il fait de l'enfant son unique héritier et, reconnaissant, ordonne également d'élever un monument à la mémoire de la belle et loyale pêcheuse de perles.